
Nous avions laissé, à la fin du premier tome, Eusèbe Rouillard et Mulot occupés à préparer l’assassinat de Rose Fouilloux. Mais en échange de sa participation décisive à ce meurtre, dans lequel il n’a pas d’intérêt personnel, Mulot exige d’Eusèbe et Zéphyrine qu’ils l’assistent dans un juteux cambriolage chez un riche rentier de Bretagne. Cela embête bien un peu Eusèbe, mais il donne son accord, ayant trop besoin de Mulot pour arriver à ses fins, et tout trois partent en roulotte vers la Bretagne. Hélas, le cambriolage tourne court, le propriétaire s’étant réveillé et surtout s’étant armé d’un bon fusil. Mulot est arrêté par la police et envoyé en prison, tandis qu’Eusèbe et Zéphyrine s’échappent in extremis, et regagnent Paris. Durant ce temps-là, Rose Fouilloux, doublement rongée par la phtisie et l’addiction à l’absinthe, se sent décliner. Consciente que sa sœur et son beau-frère vont la dépouiller à sa mort, elle a juste le temps de coudre dans la doublure du manteau de Claudinet les titres de 60 000 francs qu’elle a patiemment économisé au cours de sa vie. Hélas, elle meurt brutalement avant d’avoir pu informer son enfant de là où elle a caché son héritage. En l’absence de sa tante Zéphyrine, que nul ne peut contacter, Claudinet est envoyé à l’assistance publique où il se retrouve en grande détresse. Sœur Simplice, la jeune religieuse qui dirige son unité, se prend de sympathie pour lui et se substitue à sa défunte mère. Claudinet sympathise aussi avec un jeune pensionnaire à qui, en gage d’amitié, il veut offrir son manteau. Mais un autre gamin, jaloux, veut aussi ce manteau pour lui. Une bagarre se déclenche entre les deux enfants, au cours de laquelle le manteau se déchire, et les titres cachés jaillissent de la doublure fendue. Informé de l’incident, le directeur de l’Assistance Publique décide conjointement de déposer les titres chez un notaire au nom de Claude Fouilloux, et de retrouver la tante de l’enfant, laquelle sera sans doute plus décidée à adopter son neveu s’il y a une gratification au bout. Par ailleurs, Zéphyrine et Eusèbe ne sont plus difficiles à trouver : revenus de leur périple en Bretagne, ils débarquent chez Rose et apprennent sa mort avec beaucoup de joie. Ils s’installent chez elle et rouvrent son cabinet de voyance, mais Zéphyrine n’a pas le don de sa défunte sœur, les affaires périclitent rapidement. Contactés par l’Assistance Publique, Eusèbe et Zéphyrine voient d’un bon œil la possibilité d’adopter Claudinet, dont ils espèrent bien boire l’argent du legs en s’occupant de lui le moins possible, mais le notaire, en découvrant leurs têtes d’ivrognes, se méfie instinctivement et ne leur donne l’argent du traitement de Claudinet qu’au compte-gouttes. Agacés, Eusèbe et Zéphyrine repartent chez Rose avec Claudinet, et déchaînent sur lui leur frustration à grands coups de taloches. Eusèbe, pour compenser le manque à gagner, fait quelques cambriolages dans son quartier, mais il est surpris et probablement identifié lors de sa dernière tentative, tout en parvenant tout de même à s’enfuir. Néanmoins, se sachant grillé, il convainc Zéphyrine d’abandonner le cabinet, et de repartir sur les routes de province en roulotte avec Claudinet. Mais une fois sortis de Paris, lors d’une dispute où chacun d’eux attribue à l’autre leurs récents déboires, l’obèse Zéphyrine, pour la première fois de sa vie, donne une sévère correction au fluet Eusèbe, et le jette violemment à terre. Blessé dans son orgueil de mâle, celui-ci décide de faire bande à part. Prétextant un besoin temporaire de liberté, il quitte Zéphyrine en larmes, traversant à pied les villages en emportant avec lui un petit chariot de rémouleur grâce auquel il peut se prétendre artisan le jour, et se disculper des cambriolages qu’il effectue la nuit. Au bout de quelques semaines, il arrive à Tours, où il retrouve quelques vieux compagnons exilés de Paris. Avec l’un d’entre eux, il planifie quelques cambriolages dans la campagne tourangelle, mais rien ne fonctionne comme cela devrait, et tombant maladroitement d’un mur, il se brise le tibia, tandis que son complice s’enfuit en le laissant là. Recueilli au petit matin par un brave paysan de passage, qui le conduit sur sa carriole à l’hôpital de Tours, il y est immobilisé pendant deux semaines. Parce qu’il s’ennuie horriblement, Eusèbe envoie une lettre à Zéphyrine, qui ne tarde pas à le rejoindre à Tours, avec sa roulotte et le pauvre Claudinet… De leur côté, les Kerlor et les Saint-Hyrieix ont quitté le village de Kerlor et se sont installés, en bon voisinage, dans un hôtel particulier à Paris, qui facilite la gestion des affaires des deux époux. Très vite, Georges Kerlor, qui a hérité de sa femme des mines exploitées au Mexique, constate que leur rendement est à la baisse, et soupçonne à juste titre un vol de ses bénéfices. La mort dans l’âme, il se décide à partir pour de longs mois au Mexique, afin de remettre à flots son entreprise, laissant Hélène seule à Paris avec Fanfan. Carmen, enceinte jusqu’aux yeux de Robert d’Alboize, aurait déjà été démasquée par son mari Firmin de Saint-Hyrieix, si ce dernier, obnubilé par son carriérisme, ne passait qu'une ou deux nuits par semaine auprès de sa femme. Robert d’Alboize a, quant à lui, déniché une sage-femme/nourrice absolument sûre dans une petite maison isolée de Villiers-sur-Marne, petite ville de banlieue parisienne qui était alors un petit bourg rural. C’est là que, profitant d’une longue absence de son mari, Carmen donne naissance à une petite fille qui est prénommée Marcelle. Durant quelques années, Carmen profite des nombreuses absences de son mari pour aller voir ponctuellement Marcelle à Villiers-sur-Marne. Robert également, mais ses journées de libre sont bien moins nombreuses. Un samedi, une dépêche alarmée parvient chez Carmen : Robert d’Alboize, en visitant sa fille, l’a trouvée malade et atteinte de fièvre. Hélas, mobilisé par son régiment, il n’a pas le temps d’aller chercher un docteur. Il supplie Carmen d’y aller d’urgence, mais hélas, Carmen elle aussi est mobilisée par un évènement imprévu auquel elle ne peut se soustraire sans attirer la suspicion : Firmin a organisé chez eux un grand bal dansant, avec toutes les huiles de la diplomatie, et Carmen est obligée de rester là, à poser souriante à son côté. C’est finalement Hélène de Kerlor, à qui elle a confié son secret, qui va chercher le médecin qui avait déjà soigné son fils. Elle le traîne en calèche jusqu’à Villiers-sur-Marne où il sauve de justesse la petite Marcelle, atteinte d’une forme fulgurante de "croup", une variante de la diphtérie qui, à cette époque, était responsable de plus des deux tiers de la mortalité infantile. Refusant de compromettre Carmen, Hélène s’abstient de répondre au médecin concernant les parents de cette enfant, et le médecin repart à Paris persuadé que Marcelle est la fille adultérine d’Hélène de Kerlor. Si la petite fille est sauvée, la peur a été rude pour Carmen et Robert. Ce dernier en a soudain assez de cette existence clandestine. Il veut vivre au grand jour avec la femme qu’il aime et avec leur fille. Il exhorte Carmen à tout révéler à Firmin et à obtenir le divorce. Carmen, au contraire, même si elle aime éperdument Robert, est bien trop croyante pour vouloir mettre fin à une union célébrée devant Dieu. Elle veut garder cette double-vie, et estime même qu’elle et Robert doivent expier leur péché commun en ne consacrant leur amour réciproque qu’à la petite Marcelle. Scandalisé, Robert lui enjoint alors par lettre de déserter son foyer, de quitter sa famille avec la petite Marcelle et de le rejoindre à la Poudrerie de Ripault, dans la banlieue de Tours où il est cantonné, sinon il viendra à Paris et il provoquera en duel Firmin de Saint-Hyrieix, en étant certain de tuer aisément ce quadragénaire veule peu familiarisé aux armes. Carmen, totalement épouvantée, ne sait plus quoi faire. C’est à nouveau Hélène qui décide de servir d’ambassadrice, mais aussi, hélas pour elle, en s'exposant. Car si tous les soldats commandés par Robert d’Alboize savent que leur officier est célibataire, plusieurs d’entre eux l’ont surpris en train de contempler mélancoliquement, en secret, le portrait d’une femme et d’une petite fille. Cette passion secrète fait les gorges chaudes des colporteurs de ragots dans la garnison. Lorsqu’Hélène se présente à la Poudrerie de Ripault, chacun croit reconnaître en elle la femme du portrait. Toute aussi croyante que Carmen, Hélène est venue non seulement défendre la décision morale prise par sa belle-sœur, mais aussi révéler à Robert d’Alboize que s’il tue Firmin de Saint-Hyrieix, il va s’attirer la colère de Georges de Kerlor, que l’honneur commandera alors de venger la mort de son beau-frère en provoquant à son tour Robert en duel. Or, une telle perspective, quelle qu’en soit l’issue, ne pourrait que briser l’existence des deux femmes, et de leurs enfants respectifs. D’abord révolté, Robert finit par réaliser que l’argument est fondé, mais il garde une rancune terrible contre Carmen, et il annonce à Hélène ne plus jamais vouloir la revoir. Hélène demande à Robert, dans ce cas-là, de restituer les lettres brûlantes que Carmen lui a envoyé, afin que celle-ci les détruise. Robert en fait serment. Il envoie d’ailleurs son ordonnance, un soldat nommé Brisquet, pour aller les chercher à son domicile, au centre-ville de Tours, afin de pouvoir les renvoyer à l’adresse d’Hélène. Lorsqu’elle reprend le train pour Paris, Hélène ne prête que peu d’attention à une conversation entre plusieurs voyageurs, qui commentent un accident arrivé précisément au centre-ville de Tours quelques minutes après le départ du train : un soldat à cheval a été désarçonné par sa monture, et a été projeté au sol, très grièvement blessé… Hélène ne peut deviner les conséquences que vont avoir cet accident mortel, car on l'aura deviné, il s'agit du soldat Brisquet, qui se retrouve ainsi conduit d'urgence à l'hôpital de Tours, en &yant encore dans ses poches les lettres de Carmen de Saint-Hyrieix à Robert D'Alboize… Enfin, quand elle revient à Paris, Hélène rassure Carmen sur la résignation de Robert. Les deux femmes en sont à songer à s’organiser pour aller voir Marcelle à tour de rôle quand Firmin de Saint-Hyrieix débarque, enjoué, avec une grande nouvelle : ses incessantes sollicitations auprès de diplomates influents ont enfin été exaucées : Firmin est nommé ambassadeur de la métropole en Guyane. Avec un grand sourire, il dit à Carmen de commencer à faire ses bagages : tous deux vont devoir partir à Cayenne d’ici quelques jours, et s'y installer pour de nombreuses années… Enfin, le couple Paul Vernier et Mariana semble extérieurement heureux. En effet, Paul Vernier a reçu la commande d’un prestigieux financier " levantin", Silverfield, qui lui a confié l’entière décoration de son hôtel particulier, tout en essayant d’intéresser le jeune homme à la spéculation financière. Mais Paul, en bon artiste qu’il est, n’a que mépris pour l’argent. Mariana, au contraire, qui rêve d’un meilleur niveau de vie, est prodigieusement intéressée. Sur les conseils du banquier, elle prend quelques actions, mais Silverfield lui fait vite comprendre qu’il est prêt à l’enrichir bien plus si elle consent à devenir sa maîtresse. D’abord choquée, Mariana se sent écœurée par ce vieillard libidineux, mais étant au final peu sensuelle elle-même et fortement attirée par l’idée d’être entretenue, elle cède ses faveurs à Silverstein, qui la couvre d’or et de bijoux. La maison parisienne des Vernier s’enrichit jour après jour. Paul Vernier s’en étonne, mais Mariana lui jure qu’il ne s’agit là que du produit du bénéfice de ses spéculations financières. Cette existence de courtisane dure deux ans, et convient parfaitement à Mariana. Mais au terme de ces deux ans, Silverstein l’invite dans un célèbre petit restaurant qui dispose d’un cabinet privé (ce privilège luxueux n’est plus pratiqué de nos jours). Après lui avoir offert le repas, Silverstein apprend à Mariana qu’il met fin à leur relation, car pour lui, elle est ruineuse. En bon financier, il a établi la facture de ce que lui a coûté Mariana jusqu’à ce jour : 600 000 francs, plus d’un demi-million ! Il n’a hélas pas l’habitude de faire d’aussi mauvais investissements, car, selon lui, Mariana ne vaut pas une somme pareille, ni au lit, ni dans un autre domaine. Par conséquent, il arrête les frais. Furieuse, Mariana prends des grands airs offensés et hausse le ton. Elle a bien tort, car de l’autre côté d’un des murs du cabinet, son mari est en train de dîner avec son ancien professeur de l’école des arts, qui lui a fait découvrir ce sympathique petit restaurant. Déjà, pendant le repas, Paul Vernier avait crû reconnaître le rire de sa femme s’échappant des murs du cabinet. Lorsque celle-ci se met à parler fort, le doute s’ancre plus profondément en lui. Prétextant un rendez-vous, il raccompagne son vieux maître, le quitte sur le trottoir en face, puis retourne dans le restaurant avant d’aller coller, sans vergogne, son œil par le trou de la serrure du cabinet : il surprend alors les deux amants, en pleine discussion, et saisit toute l’horreur des comptes d’apothicaire qui lui ont permis de vivre chichement depuis deux ans grâce à la prostitution de Mariana. Pour le candide sculpteur, c’est un choc épouvantable, tant il vivait dans l’admiration béate de son épouse. Boulversé et horrifié, il erre de par les rues, puis ne rentre qu’en toute fin d’après-midi, trouvant sa femme comme tous les soirs en déshabillé dans sa chambre. Alors sa colère éclate comme un orage sur l’épouse traîtresse, laquelle, en habile comédienne, joue la carte de celle qui s’est sacrifiée pour que son mari réussisse plus vite. Mais la douleur est bien trop vive pour Paul Vernier, qui s’empare du petit révolver que sa femme garde toujours dans un tiroir, et s’apprête à la tuer. Mariana est alors prise d’une inspiration subite, elle dénoue son chemisier, et laissant apparaître son buste entier et ses seins magnifiques (scène fort osée pour 1880), elle lui ordonne : « Vas-y, tire au cœur ! » Totalement plongé dans la confusion par ce spectacle propre à émouvoir un cœur brisé, Paul jette le révolver à terre et s’enfuit hors de chez lui. Hilare, Mariana referme son chemisier, puis se met à compulser le calepin de ses relations, à la recherche d’un nouveau protecteur. Ne sachant plus que faire, Paul Vernier monte spontanément dans le dernier train pour Kerlor afin de rendre visite à son oncle, qui en est l’abbé et qui saura certainement lui donner un sage conseil. Mais lorsqu’il arrive à l’église de Kerlor à la nuit tombante, la servante quelque peu simplette de l’abbé lui apprend que ce dernier s’est absenté depuis la veille, et que son évêque l’a entraîné dans une tournée cantonale d'une dizaine de jours, où l'assistance de l'abbé est précieuse puisqu’il parle excellement le bas-breton. Abandonné à lui-même, sans le précieux secours d’un guide de conscience dont il avait urgemment besoin, Paul Vernier se laisse dévorer par son chagrin. Après une nuit pénible dans sa maison bretonne, réalisant qu’il ne pouvait plus vivre sans Mariana, il lui envoie un télégramme avec un seul mot : « Viens ! » Lorsque Mariana le reçoit, elle était en train d’examiner le rapport d’une agence de détective qu’elle a embauchée avec l’argent de Silverstein pour découvrir le lieu où est caché l’enfant secret de Carmen. Elle a appris son existence en fouillant la chambre d’Hélène, lors de la fameuse réception organisée par Firmin le samedi où Marcelle avait attrapé le croup. Elle avait subtilisé la lettre de Robert d’Arboize où il suppliait à Carmen de se rendre auprès de la fillette malade. Mais sachant que Carmen connaissait l’adresse de la nourrice, il ne l’avait pas précisée dans la lettre. Or, c’est cela que Mariana veut savoir, pour pouvoir livrer toutes les preuves du scandale à Firmin de Saint-Hyrieix, et se venger ainsi définitivement de Carmen. Mais Mariana ignore que son vol a été remarqué, et qu’elle a été aperçue par Carmen alors qu'elle montait vers les chambres. Hélène et Carmen ont enfin réalisé la menace que représente Mariana, même si elles ne comprennent pas sa motivation. Et Carmen, sur ses gardes, a remarqué qu’elle était suivie par un limier quand elle allait prendre son billet pour Villiers-sur-Marne, à la gare de L’Est. Elle a réussi à chaque fois à semer les détectives, ce qui irrite Mariana. Quand elle reçoit le télégramme de Paul, Mariana, qui espérait sans trop y croire qu’il soit allé se jeter dans la Seine, se félicite néanmoins de l’emprise qu’elle exerce sur le benêt, et consent à le rejoindre, car cet idiot, au final tout à fait docile, peut encore lui ouvrir quelques portes. Une fois descendue à Kerlor, elle trouve Paul Vernier en larmes qui se jette dans ses bras, et c’est lui qui demande pardon, de tout son cœur. Avec une mansuétude de façade, la perfide Mariana annonce à Paul Vernier qu’elle lui pardonne tout, tout en se promettant intérieurement de lui faire payer chèrement son humiliation… Dans ce deuxième tome de son célèbre roman-feuilleton, Pierre Decourcelle, recueillant probablement les premiers honneurs consécutifs au succès populaire de son récit, se laisse volontiers aller à complexifier les intrigues. Il en résulte que, bien qu’il n’y ait plus nécessité d’introduire ou de présenter de nouveaux personnages, l’action s’égare dans des épisodes parfois sans lien direct avec le récit principal, et il se passe bien plus de choses dans ce deuxième tome que dans le premier, même si paradoxalement, l’intrigue de base avance peu. À cela s’ajoute le fait que la déchéance de Claudinet avance bien plus vite que celui de Fanfan, et que les intrigues des familles Kerlor et Vernier étant plus complexes que celle des misérables Eusèbe et Zéphyrine, Pierre Decourcelle fait un peu tourner en rond ces deux derniers, histoire de laisser aux autres familles le temps de régler (ou d’aggraver) leurs problèmes. Pour être franc, ça se voit beaucoup, mais cependant, l’imagination de Pierre Decourcelle s’envole agréablement et son talent de conteur, son imagination perfide, la cruauté des situations qu’il met en scène, s’affirme avec bonheur. Même si l’on n’est pas dupe de l’utilité de certaines évolutions du récit, on les suit sans ennui et sans déplaisir. Il n’y a hélas qu’un bémol : on trouve dans ce deuxième tome des passages racistes de plus en plus nombreux, à la fois concernant Mariana, dont tous les égarements immoraux sont ramenés au "sang d’esclave" qui coule dans ses veines, et concernant Silverfield, dont la lubricité, le matérialisme et la goujaterie sont censés découler de son appartenance à la race sémite (juive ou arabe, le mot désuet "levantin", exclusivement utilisé pour le qualifier, désignait aléatoirement les membres de ces deux ethnies). C’est d’autant plus inutile que des courtisanes sans scrupules et des vieux libidineux prêts à acheter les faveurs d’une femme, il s’en trouve aisément dans tous les pays du monde. Il n’est donc rien de plus stupide que de prétendre expliquer certains vices par une origine ethnique. On ne peut que déplorer que Pierre Decourcelle ait ainsi véhiculé, sans aucune raison, des clichés qui sont entrés dans la tête de ses nombreux lecteurs et lectrices comme des vérités essentielles, et qui ont sans doute fait beaucoup de mal. LES DEUX GOSSES (Critiques et Résumés) : Tome 1 : https://www.mortefontaine.org/post/pierre-decourcelle-les-deux-gosses-tome-i-1880
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