EMILIO SALGARI - « Chez Les Anthropophages » (1896)
- Dorian Brumerive
- 18 août
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 août

Personnage fascinant et inimitable de la littérature d'évasion italienne, Emilio Salgari est encore aujourd'hui dans son pays natal une gloire nationale comparable à celle qu'a connu Jules Verne en France, pour le même type de romans, même si, et je le dis sans aucun esprit cocardier, il faut avouer que le niveau n'était pas le même, en grande partie parce que Jules Verne bénéficiait de la liberté de création totale que lui accordait son éditeur Jules Hetzel.
Jeune homme sans doute un peu farfelu, qui dut renoncer à une carrière d'officier de marine en raisons de sérieux problèmes de santé incompatibles avec la vie en mer, Emilio Salgari était tombé entre les mains d'un éditeur malveillant, Speirani, peu scrupuleux, mauvais payeur, et qui le cravachait du matin jusqu'au soir.
La carrière de Salgari s'étale de 1892 à 1911, date de sa mort. Sa productivité est d'autant plus importante, qu'il est lourdement traumatisé par la mort de sa mère en 1887, suivie du suicide de son père en 1889. L'écriture de romans exotiques fut pour lui un moyen de fuir une réalité chaque jour plus déprimante, car il vivait de manière fort précaire et, de manière assez irresponsable, faisait un enfant à son épouse tous les deux ou trois ans, ce qui appauvrissait encore le foyer (Il n'y avait pas d'allocations familiales, en ce temps-là).
À partir de 1903, son épouse commence à souffrir de crises de démence répétées, qui nécessitent des séjours ponctuels – et coûteux – en hôpital psychiatrique. Elle y est internée définitivement en 1910, et y mourra en 1922. Salgari se retrouva seul à devoir gérer cette douleur, en plus de sa carrière et en plus de ses quatre enfants qu'il peinait à élever décemment. Sa raison vacilla en 1911 et, pris lui aussi de démence, il se rendit dans le parc de Villa-Rey à Turin, ville où il habitait depuis 1900, et se fit une sorte de "seppuku" avec un rasoir, se tranchant le ventre puis la gorge dans une rage suicidaire maladroite et sanglante.
Salgari a mal choisi son moment pour partir : il y a le jour de sa mort une très grande fête municipale à Turin qui phagocyte toute la presse régionale. Son suicide y est à peine stipulé dans les faits divers. Cette circonstance servira son éditeur qui, sous prétexte de subvenir aux besoins des enfants de Salgari, fera publier, sous le nom de leur père, une quantité désespérante de romans écrits par des auteurs maisons, et dont la philosophie colonialiste et raciste était assez souvent en opposition radicale avec les idées d'Emilio Salgari. Ses malheureux enfants, d'ailleurs, ne verront jamais la couleur de cet argent, et mourront tous assez jeunes, d'accidents, de maladie ou de suicide.
L'œuvre la plus renommée d'Emilio Salgari est le cycle des « Pirates de Malaisie », comptant onze romans, dont seuls cinq tomes furent publiés en français chez divers éditeurs, entre 1899 et 1928. Le premier de ces tomes fit l'objet en 1976 d'un feuilleton télévisé franco-italo-indien, « Sandokan », du nom du personnage principal, qui connût un grand succès dans toute l'Europe, y compris en France où il fut diffusé par la chaîne Antenne 2 après l'émission « Récré A2 ». Curieusement, le personnage principal, le pirate malais Sandokan, y fut joué par un charismatique acteur indien, mais qui n'avait évidemment pas le type ethnique asiatique que l'on trouve en Malaisie.
Emilio Salgari fut presque continuellement traduit en Français entre 1899 et 1914, notamment par les éditions Delagrave qui publièrent une sélection d'une dizaine de romans dans un format géant, très lourd, avec des illustrations par des artistes français. Les couvertures, toutes semblables, ne différaient que par leurs titres et par la couleur de la percaline, allant du bleu à l'orange, en passant par le noir. Cette collection semble être celle qui s'est le mieux vendue en France, mais elle fut hélas interrompue pendant la Première Guerre Mondiale, et il semble qu'une grande partie des stocks ait disparu pendant le conflit, ce qui fait de la plupart de ces romans des raretés hautement cotées.
Durant les Années Folles, de nouvelles traductions furent faites par différents éditeurs, mais désormais sans distinction entre les vrais romans d'Emilio Salgari et les faux romans posthumes. Après la Seconde Guerre Mondiale, l'auteur fut totalement oublié jusqu'en 2019, ou l'éditeur Michel Lafon exhuma « Les Aventuriers du Ciel », un roman inédit en France, hélas dans une indifférence générale.
Pourquoi ce peu d'amour de la France pour Emilio Salgari, qui de plus, était un auteur cosmopolite, antiraciste et anticolonial ? Déjà, pour ces raisons-là : tant que la France était un empire colonial, elle n'aimait pas trop les écrivains qui se permettaient de critiquer le colonialisme, même si, chez les auteurs français comme chez cet auteur italien, l'anticolonialisme se manifestait presque exclusivement en s'attaquant à l'empire colonial britannique, ce qui évitait toute forme de censure, tout en dénonçant une attitude commune à toutes les colonisations.
Ensuite, Emilio Salgari n'a jamais caché l'influence énorme qu'avaient exercée trois écrivains français de romans exotiques, ponctuellement traduits en italien : Alfred Assollant, inoubliable auteur des « Aventures du Capitaine Corcoran », Louis Jacolliot, écrivain diplomate et orientaliste un brin grivois, et Louis Boussenard, romancier pour le coup ouvertement raciste – au point d'être impubliable de nos jours – mais conteur émérite, narrateur nerveux et inspiré, extrêmement prolifique lui aussi.
Tout cela aurait pu être un plus pour la diffusion de Salgari en France, seulement voilà, Assollant, Jacolliot et Boussenard étaient encore très populaires en France à l'époque où Emilio Salgari était une star en Italie, et malheureusement pour ce dernier, il n'avait ni l'ironie grinçante du premier, ni l'élégance bourgeoise du second, ni l'imagination délirante du troisième. Il ne fut donc en France qu'un romancier mineur, suffisamment rentable pour que les éditeurs de ses traductions rentrent dans leurs frais, mais pas assez pour que son nom soit durablement installé dans l'imaginaire de la jeunesse française. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne gagne pas à être redécouvert.
« Chez les Anthropophages » est d'ailleurs un roman particulièrement réussi, qui compte parmi les premières œuvres d'Emilio Salgari. Publié en 1896 en Italie, il ne déboule chez Delagrave en 1909, sous une pétulante couverture de percaline orange. Le titre original, « Il Pescadori di Trepang » (« Les Pêcheurs de Trepang ») a été assez grossièrement remplacé par le racoleur et partiellement mensonger « Chez les Anthropophages », lesquels n'apparaissent en fait que dans le premier quart du roman.
Le récit narre la mésaventure proprement survivaliste d'un équipage d'une jonque asiatique venue sur les côtes de l'Australie pour y pêcher des « trepang », mot asiatique qui désigne des créatures marines fort peu connues de par chez nous, les holothuries.
Nous ne connaissons en Europe qu'une seule espèce d'holothurie : le concombre de mer. Néanmoins, cette race d'échinodermes, relativement cousine des oursins, rassemble des centaines d'espèces différentes, la plupart semblables à de grosses chenilles ou à des vers de forme phallique et de consistance caoutchouteuse qui rampent sur les fonds marins du sud de l'Océan Pacifique. Ce ne sont pratiquement que des appareils digestifs mobiles, des tubes creux qui filtrent le plancton en avalant l'eau de mer, laquelle entre par leur bouche et sort par leur anus. Il arrive que de minuscules poissons vivent en symbiose dans des holothuries vivantes, où ils trouvent leur nourriture et peuvent se cacher des prédateurs.
Bien que peu appétissantes de leur vivant, ces créatures inoffensives sont délicieuses une fois séchées et cuites, et peuvent même se conserver ainsi longtemps sans décomposition, ce qui en faisait le cœur d'un trafic international, nettement plus régulé de nos jours.
Il n'empêche, en 1896, pour des colons hollandais (une partie de l’Indonésie était sous contrôle des Pays-Bas), louer une jonque et son équipage pour aller à la pêche au trépang est un bon moyen de gagner rapidement et facilement de l'argent. C'est la conclusion à laquelle est arrivé l'explorateur hollandais quadragénaire Wan-Stael, accompagné de ses deux neveux adolescents, Hans et Cornelius, personnages secondaires et néanmoins omniprésents, puisque les jeunes lecteurs sont censés se projeter en eux. Le navire est commandé par le capitaine Wan-Horn, un homme plus âgé, lui aussi hollandais mais parlant parfaitement chinois, ce qui le rend indispensable, puisque tout le reste de l'équipage est chinois.
La jonque jette l'ancre au nord d'une côte du golfe de Carpentarie, celui qui empiète sur le nord du continent australien. L'équipage est inquiet, car cette côte est connue pour héberger une tribu d'anthropophages. En réalité, cette région de l'Australie, couverte d'une jungle dense, remplie d'une faune hostile, soumise à un climat torride et instable, n'a jamais été tellement habitée. Aujourd'hui encore, on n'y trouve que de minuscules villages en bord de mer.
Néanmoins, nos pêcheurs sont dérangés par le chef de la tribu anthropophage, qui vient ouvertement les menacer. Bien qu'on lui offre fort diplomatiquement une holothurie grillée en cadeau, le chef veut s'emparer avidement de toutes les autres, et nos pêcheurs sont obligés de le chasser sans ménagement. Il revient plus tard lourdement armé, puis est rapidement maîtrisé, ligoté et jeté à fond de cale par l'équipage. Durant la nuit suivante, des cannibales descendent sur la plage et subtilisent la marmite géante où les pêcheurs font cuire le trepang. Au petit matin, Wan-Stael et ses neveux, accompagnés de Wan-Horn, s'enfoncent dans la forêt, à la poursuite des sauvages, pour récupérer la marmite dont ils ont besoin. Il leur faut une journée entière pour la retrouver abandonnée au cœur de la jungle. Mais curieusement, ils ne croisent aucun anthropophage...
Ceux-ci en effet ont soigneusement contourné le commando et sont descendus sur la plage pour aller délivrer leur chef. Là, une bonne surprise les attendait. Celui-ci s'était débarrassé de ses liens, et, fouillant le navire, il avait trouvé des tonneaux de rhum et les avait ouvert. Puis, par des sifflements et des cris, il attira les chinois dans la cale avant de s'enfuir en se jetant à l'eau.
Les Chinois n'avaient jamais vu autant de rhum à boire, et ils burent autant qu'ils le pouvaient sans s'interroger sur le miracle de ces tonneaux ouverts. Au bout de quelques heures, presque tous dormaient ivres morts sur la plage. Les anthropophages les ramassèrent un par un et les ramènèrent dans leur village pour les déguster.
Quand Wan-Stael et Wan-Horn, suivi de Hans et Cornelius, reviennent au navire, ils ne peuvent que constater la disparition de l'équipage et le vidage en règle des tonneaux de rhum. Heureusement, un jeune mousse chinois, qui fut l'un des premiers à s'enivrer, est tombé rapidement dans un coma éthylique, sans avoir le temps de gagner la plage. Il a pu échapper au sort de ses collègues, et peut à peu près raconter ce qui s'est passé à Wan-Stael.
Il n'y a hélas plus rien à faire qu'à partir, d'autant plus que les sauvages seront tentés de revenir s'attaquer aux survivants. La jonque lève l'ancre puis met le cap en direction de l'Indonésie, lorsque au bout d'une heure, Wan-Horn réalise que la cale est inondée. Le chef anthropophage a soigneusement ouvert de petites voies d'eau dans la coque, de manière à ce que les colons ne découvrent le sabotage qu'une fois en pleine mer, loin de toute côte. Et il ne reste hélas plus assez d équipage pour écoper la cale.
La mort dans l'âme, Wan-Stael se résigne à quitter la jonque, qui va être totalement immergée dans moins une demi-heure. Heureusement, le chef anthropophage n'avait pas reconnu ou identifié la chaloupe de secours. Celle-ci est assez grande pour cinq hommes, et l'on peut dresser un mât et une voile en son milieu. Wan-Stael et son équipage réduit s'y installent donc, se laissent porter par le vent en direction de l'Indonésie, mais sont rapidement repérés et pris en chasse par des pirates indonésiens. Comme le vent tourne alors vers le nord, Wan-Stael n'a pas d'autre choix que de mettre le cap sur la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Le hasard va amener l'embarcation pile à l'embouchure d'un fleuve qui traverse le continent vers le nord-ouest (et qui ne semble pas exister sur la carte actuelle de la Nouvelle-Guinée). La chaloupe va donc s'engager dans cette voie qui leur permet de semer les pirates, mais qui va les faire voguer tout le long d'une rivière aux courants périlleux, hantées de crocodiles et de tribus hostiles, jusqu'à atteindre enfin, après bien des aventures terrifiantes, une île des Moluques où il pourront enfin s'embarquer sur un steamer pour retrouver leur colonie néerlandaise.
« Chez Les Anthropophages » préfigure les thrillers modernes avec une étonnante prescience. Tout ici est sacrifié à l'action, presque sans temps mort, même si Salgari prend ponctuellement le temps d'éduquer son jeune lecteur avec quelques anecdotes exotiques sur la faune, la flore ou le caractère « magique » du phénomène des noctiluques.
Tout le mérite de l'écrivain est de signer un récit palpitant, nerveux, oppressant dans un décor dont il ne dissimule pourtant jamais la magnificence et le caractère paradisiaque. C'est un exercice plus compliqué qu'on se l'imagine, même si Emilio Salgari tourne le problème à son avantage : c'est aussi parce que les personnages sont sans cesse émerveillés par la beauté des paysages qui les entourent qu'ils ne voient souvent qu'au dernier moment le péril, le danger de mort, qui apparaît soudain, comme lorsque le jeune Hans, secouant un cocotier, manque de se prendre un crabe des cocotiers en pleine figure. Tout peut arriver donc dans cette fuite éperdue et très « boussenardienne » vers la civilisation, même si à rebours de Louis Boussenard, Emilio Salgari reste dans les limites d'un certain réalisme, et ne s'en échappe qu'au travers de descriptions poétiques.
On ne regrette en fait que quelques minces pages inhabituellement racistes, qui tissent un lien discutable entre la brutalité primitive des anthropophages et leur ethnicité de type négroïde, d'autant plus que Salgari semble avoir confondu les ethnies papous, dont certaines furent effectivement anthropophages sous l'influence de cultes animistes, avec les populations aborigènes d'Australie, qui, elles, n'ont jamais recouru au cannibalisme pour quelque raison que ce soit.
Enfin, même si cela ne gâche pas la lecture du récit, on pourra trouver, selon nos critères littéraires actuels, que les personnages de cette aventure n'ont aucune profondeur psychologique, aucune personnalité marquée. Ils sont tous des colons dominants et affirmés, bien décidés à survivre et à rentrer chez eux, et que jamais la panique ou le désespoir ne font vaciller. Ce stoïcisme à la fois déterminé et résigné peut nous apparaître terriblement artificiel, même s'il ne faut pas perdre de vue qu'il fait pleinement partie du caractère pédagogique d'un roman de la Belle-Epoque destiné à édifier la jeunesse, et donc à lui faire comprendre que l'on dépasse plus facilement les obstacles quand on garde la tête froide et que l'on reste concentré sur ses objectifs.
Pour conclure, « Chez Les Anthropophages » est une excellente introduction à l'oeuvre d'Emilio Salgari, même si ce roman est particulièrement minimal et peut même avoir des allures de « train fantôme » à ciel ouvert. La modernité de la narration façon « thriller » est assez étonnante, et parvient à nous faire accepter tout ce que le récit en lui-même peut avoir de particulièrement désuet. Ici, l'efficacité prime tout, sans que pour autant le reste soit bâclé. C'est un récit sans prétentions, mais parfaitement maîtrisé, bien plus documenté qu'il ne le paraît, auquel les crayonnés précis et réalistes de l'illustrateur Charles Fouqueray, dont on croirait qu'il se trouvait lui aussi dans la chaloupe et y aurait croqué sur le vif les personnages de ce roman, confèrent une totale crédibilité.
Ci-dessous, treize illustrations de Charles Fourqueray, légèrement colorisées via l'application Palette :




























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